La rubrique des saisons (3)

Publié le par Cipion

LE PRINTEMPS.

Le PRINTEMPS, c’est, dit mon dictionnaire, la 1ère des saisons, celle qui va du 21 mars au 21 juin – au moins dans notre hémisphère -. Comme l’a écrit Colette («les Belles Saisons ») :

« C’est le printemps comme on l’imagine dans les contes de fées, l’exubérant, l’éphémère, l’irrésistible printemps du Midi, gras, frais, jailli en verdures profondes, en herbe haute que le vent balance et moire … ».

Je vais vous faire sourire, peut-être même rire…mais, beaucoup plus modestement, pour moi, mis à part les bourgeons, les oiseaux et les premières fleurs – généralement de couleur jaune – le printemps c’est le beurre ! Ne vous moquez pas. Voilà pourquoi :

C’est, en effet, à cette saison, chez nous, et seulement à cette saison, que nous trouvions du beurre sur la table familiale. Etonnant ? Pas tellement, lorsque l’on sait qu’à cette époque, pas si lointaine, la plupart des ménagères n’achetaient le beurre que par plaquettes de 125 gr – je crois bien que l’on n’en trouve plus sauf dans des boutiques spécialisées –

Chez nous donc, une plaquette de 125 gr pour une bonne semaine, pour une famille de 5 personnes, avouez qu’il n’y avait pas de quoi faire monter le taux de cholestérol !

Alors, pourquoi le beurre au printemps ?

Tout simplement pour accompagner les fèves fraîches, vous savez les toute premières celles dont la peau d’une tendresse extrême réveille nos papilles gustatives.

Ah ! la fève fraîche accompagnée d’un bout de saucisson, d’un peu de sel et…d’une grosse noix de beurre. Un délice !

Mais il n’y avait pas que la fève, il y avait aussi les premiers radis, ronds et tout rouge ou oblongue à l’extrémité blanche. A cette époque le radis était encore une plante potagère– mon grand-père disait «un fruit » - une plante potagère de saison.

Pour revenir au beurre, quasiment absent de nos recettes régionales, il paraît qu’au XVème siècle, l’intendant du Bon Roi René, tenait les comptes de la cuisine du château – à Tarascon sans doute – en provençal sauf un mot, un seul mot, qu’il a toujours écrit en français.. le mot «beurre » qui n’a jamais eu son équivalent en «lenguo nostro ». Edifiant, non ?

Le printemps cependant, j’en conviens, c’est aussi la saison où la sève monte et le sang bouillonne. C’est donc l’histoire d’un «coup de sang » printanier que je veux vous raconter

maintenant. Elle s’est passée à Tourves, au moins pour le fait initial, au début du siècle.

« Auguste R…. dit ‘La Moque’ avait marié sa fille avec un garçon du village que le travail n’effarouchait pas, plus clairement nous pourrions dire qu’il était fainéant. Pour cette raison et, peut-être, pour d’autres encore, il ne l’aimait pas. L’union n’avait rien arrangé. Un soir, une violente dispute oppose les deux hommes, si violente que ‘La Moque’ saisit son fusil et tire sur son beau-fils qui s’enfuyait dans l’escalier et le blesse au pied.

Ce coup de fusil lui valu de passer en correctionnelle, comme on disait à l’époque.

Le jour du procès, le prévenu ‘La Moque’ se trouve sur le banc des accusés lorsque l’huissier annonce « messieurs, la Cour ! » L’ensemble de la salle d’audience se lève sauf…’La Moque’. Un gendarme se penche alors vers lui et lui dit «vous n’avez pas entendu ? La Cour ! » Sans se départir de son calme et sans bouger de son banc, ‘La Moque’ répond à haute voix «si l’a court, n’a que d’ana se lou faÏre al ouga ! » (S’il l’a court, il n’a qu’à aller se le faire allonger ! ). Nous n’avons jamais su à quoi faisait allusion ‘La Moque’ mais le procès débutait dans un «bon » climat de respect mutuel et de compréhension réciproque.

Le tour de ‘La Moque’ arrive peu après. Il y a la narration des faits puis les différentes plaidoiries. Le Président s’adresse alors au prévenu «mais vous vous rendez compte, vous auriez pu tuer votre beau-fils, le mari de votre fille. Heureusement vous l’avez manqué. A cette heure vous pourriez être un assassin. » Et ‘La Moque’ de répondre, méprisant « L’aï manqua ? Nenni ! aï tua deï lebre, eme deï partigaü qu’anavon plu vite ! » (Je l’ai manqué ? que non ! J’ai tué des lièvres et même des perdreaux qui couraient plus vite que lui.)

C’était sans doute vrai car excellent chasseur ‘La Moque’ n’aurait pu le manquer…dans un couloir.

L’histoire racontée par un témoin de bonne foi, ne fait pas allusion au verdict mais gageons que le tribunal fit preuve malgré tout de beaucoup de mansuétude.

Nous sommes bien loin de nos recettes direz-vous.

Pas tellement, car « La Mocque » n’était pas qu’un chasseur adroit, c’était aussi un spécialiste de la « salade des champs », des costelines, des rampouches, du pissenlit et autres crigneous…. Mais, ça, c’est une autre histoire !

Publié dans contes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article