La mort d'un Lieutenant.
La mort d'un lieutenant (8 août 1970).
ORDRE du JOUR
du
Colonel Commandant
la
25ème Brigade Aéroportée.
« J'ai l'honneur et la douleur de vous faire part de la mort au combat du
Lieutenant Pierre Chaussin qui, tout récemment, a quitté le 6ème RPIMa
pour être affecté à la Compagnie Parachutiste d'Infanterie de Marine au
Tchad.
Figure de son régiment, où chacun appréciait ses qualités de chef et de
parachutiste, il était bien connu dans toutes les unités de la Brigade pour
ses récentes recherches sur la mine à effet latéral.
Il a été tué le 8 août 1970 d'une balle en pleine tête lors d'un accrochage
dans une palmeraie Toubou. Son nom s'ajoute à la longue liste des 500
officiers parachutistes tombés au champ d'honneur lors de toutes les
campagnes où la France a été présente depuis 1940.
Aux prochaines messes de St Michel nos prières iront vers ce splendide
officier dont nous conserverons tous pieusement le souvenir. »
C’est ainsi que les camarades de Pierre Chaussin servant alors à la 25ème Brigade Parachutiste apprirent la mort de leur ami, leur camarade, leur chef.
Dans son ancien régiment, le 6èmeRégiment Parachutiste d’Infanterie de Marine de Mont de Marsan, la nouvelle diffusée quelques jours plus tôt (le journal local en avait parlé ) eut un grand retentissement et son chef de corps, connaissant les liens d'amitié qui me liaient à lui de longue date, m'adressait une lettre me demandant, pour l’information de ses personnels, « des renseignements sur les activités du Lieutenant Chaussin au sein du 6ème RIAOM et un témoignage sur les circonstances de sa mort ».
J'ai bien connu la palmeraie de Gouro mais, ce jour là j'étais à des milliers de
kilomètres de ce lieu, en déplacement au Gabon. C'est à la descente du Nord
2501 qui me ramenait de Libreville, qu'un ami commun, m'a appris la triste
nouvelle. Le ciel me tombait sur la tête. J'ai donc dû interroger ses « patrons »
et ses pairs, voilà ci-dessous, un extrait de la lettre que j'écrivais le 2 septembre
1960 au Colonel commandant son ancien Régiment :
« ... Dés son arrivée au 6, Chaussin a pris le commandement du 2ème
commando de la CPIMa. Très rapidement il a été engagé en nomadisation
dans le Chari- Baguirmi, dans la région de Maïgana à 150 kms à l'ouest de
Fort-Lamy, région où les bandes rebelles ne stationnent plus mais effectuent
des raids épisodiques sur les villages. Il en était revenu heureux de
l'expérience mais un peu déçu de n'avoir rien rencontré.
-2-
Choisi pour être détaché avec son commando auprès de l'EMT 3 (BET)
il s'est retrouvé à Largeau début août. L'avant veille de son départ j'avais eu
une longue discussion avec lui. Il m'avait fait part de sa joie de « monter là-
haut », dans cette région où la CPIMa s'était, déjà plusieurs fois, illustrée.
Part aussi de son appréhension -ça lui ressemblait bien- de ne pas être à la
hauteur de ses prédécesseurs. Les évènements ont malheureusement
démontré que, dans ce domaine aussi, il était des meilleurs. Il est mort en
véritable chef, à la tête de son commando, aux cotés de son radio. Une balle
lui ayant perforé le thorax. Il n'a eu que le temps de dire « Je meurs ».
Quelques secondes après, le caporal-chef Jouet, son chauffeur, qui se portait
vers lui était gravement blessé d'une balle dans le cou, vraisemblablement par
le même tireur. Son commando devait avoir deux autres blessés au cours de
l'accrochage. En face, les rebelles laissaient 7 tués sur le terrain et
abandonnaient 2 armes et les carcasses de deux véhicules. Par la suite,
nous avons appris qu'il y avait eu également, dans leurs rangs, de nombreux
blessés
Voilà, mon Colonel, les dernières activités et les derniers moments de cet
officier que vous avez pu, comme moi, apprécier. Il était très estimé par les
gas de son commando et justement considéré par tous, à la CPIMa, comme un exemple permanent pour les plus jeunes.
*
Vous l'aurez compris, Pierre Chaussin, après avoir été, au Sénégal, un de mes
proches collaborateurs, était devenu un ami. C'est pourquoi j'avais l'intention,
à travers les documents que je possède d'essayer de restituer le cadre et le
déroulement de l'action qui lui a couté la vie mais après avoir lu certains
textes rédigés par apparemment « mieux placés » que moi, je me contenterai des lignes ci-dessus
en guise d'éloge du cœur, d'un officier dont la droiture et le sens du devoir et
de l'amitié n'avait d'égal que le panache.
Un de nos camarades communs, parachutiste comme nous, me disait parlant
de lui: « il nous faisait penser parfois à Bournazel ». Qu'ajouter de plus!
Une promotion d'officiers techniciens porte son nom.